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BRUISE est un espace de publication en ligne donnant de la visibilité aux idées, conversations, expérimentations artistiques et projets générés en marge des espaces d’exposition physiques par les artistes en dialogue avec Triangle - Astérides, centre d’art contemporain d'intérêt national à Marseille, et leurs associé·es.

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20.12.2022

VINGT REGARDS

Essai   •   Ivan Cheng

Suite à sa résidence à Triangle-Astérides de janvier à avril 2022, Ivan Cheng a été invité par Marie de Gaulejac à penser une contribution pour la plateforme Bruise magazine. À l’occasion de cette carte blanche, l’artiste convoque des souvenirs de sa résidence pour mettre en scène un dialogue entre deux personnages, N et X, rythmé par les mouvements de la pièce pour piano Vingt Regards, d’Olivier Messiaen. Au son des roues et des figures ratées de skateboard, N et X, dont on ne sait quasiment rien et sur qui il est possible d'à peu près tout projeter, s’interrogent sur les sons qui les rendent heureux·ses, sur ce que chuter veut dire, et sur ce qu’être présent·e, là où nous ne sommes pas attendu·es produit comme rapports. 


                 VINGT REGARDS


Les lumières sont allumées. L’ambiance évoque la lueur du jour : très brillante, comme une approximation du soleil méridional au moment où l’on sort de la bibliothèque.

Le public, évidemment, à distance, et assis sur des gradins. La piste de danse a été peinte de sorte à ressembler à une place publique, en perspective. La pente douce de la scène en contribue à l’illusion de profondeur. Elle semble en réalité plate. Il s’y trouvent des obstacles, comme des blocs de construction Steiner et un circuit de dressage. Un voile de gaze se déplace lentement, presque imperceptiblement, autour de l’espace scénique. Il est motorisé. Il n’est pas grand, juste une longue bande de toile, comme une bande de crêpe agrandie et déroulée. Elle parcourt une boucle complète.

La musique commence. C’est un enregistrement de Vingt regards sur l’Enfant-Jésus, une œuvre pour piano seul évoluant suivant différents leitmotivs qui reflètent des aspects de la foi catholique. L’œuvre contient de nombreuses transcriptions de chants d’oiseaux faites par Messiaen et l’enregistrement total dure près de deux heures.

Tout est silencieux à part le piano, et le rideau qui se déplace délicatement. Au cours du quatrième mouvement, on entend un léger grondement, dont on découvre qu’il est produit par N, roulant sur son skateboard. N traverse en ligne droite la scène et disparaît. N revient sur son skate, tente un ollie, maladroitement. Une sonnerie déplaisante, très aiguë, retentit. Cela ne ressemble pas au son d’une appréciation, mais plutôt à quelque de fort et de désagréable qui se produit à ce moment-là par coïncidence. N se relève, et réessaye tout de suite. Quand il échoue, N marche vers l’arrière-scène. Un gros ballon d’exercice roule à travers la scène, d’un côté à l’autre. Ils parlent alors que le piano continue à jouer.

 

N         J’ai plissé les yeux pour prendre conscience du biais induit par la teinte de mes lunettes de soleil. Quand je les enlève, je vois si clairement les marques que laisse la crème solaire sur la peau, des crevasses de pigmentation. Je commence à comprendre la catégorie de faux bronzage, très vaste et pleine de surprises.

X          (après une pause, en coulisses) ça semble sain.

N         (tente une autre figure) Le son devient bon et s’enveloppe d’une sorte d’aura quand les roues frottent sur un revêtement plus rugueux. (longue pause) Les gens restaient à distance parce que c’est un comportement associé à un endroit mal fréquenté, mais bien entendu, on sait maintenant ce que ça représente. Je n’arrive pas à former des mots pour décrire, donc je vais juste conserver une certaine ouverture envers toi, nous, ce que le skate représente. Des récits ; des bordures rugueuses qui dissimulent un cœur en or et étendent ça plus largement à la catégorie des skateurs. Regarder un corps qui se déplace dans l’espace d’une façon surprenante, un lien à la gravité qui diffère de l’impulsion du parkour. Le parkour est la demi-sœur tarte de Cendrillon la skateuse. Des hypothèses automobiles. Le genre de mêlée Lamborghini ou Corolla, des déplacements d’aptitude dans (il tente une figure de skate) l’emploi de l’extension corporelle.

X          C’est une façon de renoncer au corps, pour toi, N ? Tu déplaces la masse du corps sur la planche. On dirait une preuve de physique évidente, l’exception comme preuve de la règle.

N         Non.

 

N laisse le rideau de gaze dériver totalement à travers la scène et commence à l’observer. X s’avance sur la scène et s’assoit, face à l’extérieur. Un mouvement complet est joué.  

 

N         Je vais bientôt aller enseigner le skate dans les ex-squats de Taipei

 

X          Pourquoi là-bas ?

 

N         ça me parait familier, le nombre de fois qu’ils ont changé de mains

 

X          les changements politiques ou militaires ne sont pas tout à fait des « mains »

 

N         je vais là-bas pour enseigner le skate

 

X          d’accord

 

N         Tu sais très bien qu’il y a quelque chose dans l’air quand ce genre d’espaces locaux se tournent vers l’international

 

X          Ouais, mais je te disais que je ne pense pas que les vieilles notions de provincialisme soient tout à fait pertinentes aujourd’hui. La façon de mesurer la ville, ce baromètre, est assez instable à cause de tout ce qui entre et ce qui sort. Tu vois ce que je veux dire, non ? En général ?

 

N         À vrai dire il y a quelque chose qui me plaît dans cette atmosphère dans tous les cas. Une ouverture délibérée à d’autres choses

 

X          Je pense qu’ils savent déjà ce qu’est le skate. Qu’est-ce que tu veux ? Qu’est-ce que tu veux en tirer ?

 

N         Je ne sais pas ce que je veux. Pourquoi est-ce que j’irais si je savais ce qui va se passer ?

 

X          Juste

 

N effectue quelques lignes parallèles sur son skate le long de la scène, l’air quasiment absent, sans intention précise.

 

X          Qu’est-ce que tu fais, pour l’assurance ?

 

N         Je n’y ai pas pensé

 

X          Tu devrais.

 

X se voit proposer la planche et grimpe dessus maladroitement, se balance.

 

X          Je suis passé voir Louise à son boulot. Les fours là-bas sentent le jambon cramé. Elle a commencé à sortir avec un type accro à la beuh qui s’identifie un peu trop avec Arthur Russell — pas seulement les paroles, mais le groove, peut-être le mythe d’ensemble. Il est passé nous voir quand on y était et il est parti. Il avait les cheveux longs, une boisson au gingembre et une gourde d’un surplus de l’armée. Je suis descendu par les escaliers pour aller aux toilettes, j’ai glissé et je suis mal tombé. J’ai atterri sur mon coccyx. C’est à cause des chaussettes que je portais ; elles bougent d’une façon qui ne va pas dans mes chaussures.

 

N         Tu t’es fait un bleu ?

 

X          Oui, j’ai eu l’impression que oui, mais je ne pouvais pas le voir. Je ne peux toujours pas. J’ai l’impression d’être un chien qui court après sa queue quand je le cherche. Oh, et ce type, le petit copain de Louise, il se parfume au Chamallow.

 

Pendant que N parle, X descend de la planche et monte sur un des blocs.

 

N         Est-ce qu’il travaille comme serveur chez Nour ? Je veux dire, je demande ça parce qu’il y avait un mec qui sentait le Chamallow quand j’y suis allé pour prendre un brunch. Je ne me souviens pas à quoi il ressemblait. Il avait un âge qui ne serait pas surprenant pour un petit copain de Louise. Le type, chez Nour. Pourquoi les gens vont manger là-bas ? Ou, quelle est la petite faiblesse qui permet de finir toute la bouffe qu’ils vous apportent ? Les portions semblent inciter à un gaspillage intense, à se bourrer de pain nature avant que la petite assiette avec l’assortiment salé arrive, et après les sucreries sont presque impossibles à terminer. La dernière fois, il y avait un groupe de femmes joyeuses réunies, elles sentaient l’hibiscus et le lis, avec leurs enfants, des préados, fourrés entre elles. Non, je pense à leurs poitrines ; la disposition des sièges était plus alourdie, les préados affalés à une extrémité de la banquette, le coin pour enfants modifié, à tripoter leurs téléphones. Puis monsieur Chamallow est venu, aussi imprécis que le scintillement du cellophane sur un paquet de cigarettes.

 

X          Je n’ai jamais payé pour manger là-bas, donc je n’ai jamais fait attention à ce qui était gaspillé. J’imagine qu’il faut être partie prenante, être investi dans une transaction pour s’y intéresser. À quoi tu as pensé, avec les femmes ?  

N         Rien. Elles étaient juste mémorables parce qu’il y avait quelques tables collées entre elles. Un brunch organisé. Je ne pouvais pas dire d’où elles se connaissaient ni comment.

 

X          J’aime voir de grands groupes familiaux pendant les évènements sportifs. C’est un endroit où on assiste à des interactions intéressantes, des gens frappés d’un ennui absolu. (X lève les bras, et le volume de l’enregistrement de piano augmente) Qui mangent, regardent, acclament, sautent de leurs sièges. Le genre d’acclamations que les gens poussent dans un stade est différent de celui qu’ils lancent dans la rue. Peut-être parce qu’il n’y a pas d’espace focal vers lequel tout le monde fait converger son intention ?

 

N         L’échelle de ma vie est devenue très réduite, donc je suis heureux — je suis heureux quand j’entends les gens pousser des acclamations dans la rue parce qu’on dirait une nation, je veux dire qu’on entend quelque chose comme une communauté, quelque chose qui se regroupe, ce qui aide, ça aide d’avoir la foi, les acclamations pourraient indiquer qu’il y a un échange, une bascule surprenante, un circuit qui fonctionne, un échange de pouvoir, ou de pensée, klaxonnez si vous êtes chaud, klaxonnez si vous avez gagné, des klaxonnements, des cris et des hurlements irrésistibles, joyeux, dans l’espace sonore, les cris que les murs ne peuvent contenir, tout l’espace peut fonctionner comme une sorte de tunnel, ça t’emmène — quelque part — 

 

X          Qu’est-ce que tu veux dire par « réduit », alors ?

 

N         Je veux dire que c’est une raison qui fait que je veux vraiment partir. J’ai passé tellement de temps avec…

 

X          Avec le skate ?

 

N         Ouais.

 

X          C’est vrai

 

N monte sur le même bloc que X.

 

N         et aussi bien sûr j’adore ça et c’est quelque chose de vraiment intéressant

 

X          C’est précieux parce que c’est sexy

 

N         Sexy. Et donc ça ne me touche pas comme les foules, comme les gens. J’ai passé tellement de temps à apprendre des figures et à me concentrer sur moi-même quand je me déplaçais le long des surfaces dures de la ville — sur la planche — et maintenant ça peut changer/j’ai passé assez de temps pour avoir quelque chose à transmettre.

 

X          Quoi ? Parce que tu vieillis, tu veux enseigner ?

 

N         Je ne crois pas que tu me comprennes

 

X          Je pense que tu essaies de transformer ton passe-temps agréable en un motif d’évangélisation pour donner du sens à un projet vaniteux. Il ne s’agit pas vraiment d’espaces de résonnance si c’est toujours toi qui fais du bruit.

 

N         Est-ce que tu me dirais ça si ton corps ne te faisait pas souffrir à cause de la chute ?

 

X          Oui. Cette pensée n’est pas nouvelle.

 

X descend avec précaution du bloc, peut-être à cause des élancements de son coccyx meurtri.

 

N         Je ne te crois pas. Il faut que tu tombes plus, je tombe tout le temps. Je tombe très souvent quand je tente des figures et des surfaces plus difficiles. Tomber me montre que la réussite s’obtient d’une certaine façon, et puis qu’elle disparait aussi très rapidement.

 

X          Certaines personnes filment leurs réussites

 

N         C’est une preuve de vie

 

X          Et quelle vie. Je n’ai pas besoin de tomber davantage. Je tombe assez comme ça.

 

Une longue pause, ils écoutent la musique, qui continue. Après qu’un mouvement a été joué, N reprend.

 

N         Tu penses qu’il est important que les gens maintiennent une vie sociale même quand ils vieillissent      ?

 

X          Le mot-clé, c’est maintenir

 

N         Non, c’est social

 

X          Ce n’est pas à moi de suggérer ce qui marche mieux pour les gens

 

N         Et pour toi, alors ?

 

X          Je sais ce que tu veux dire. Je pense que telles que sont les choses à présent, pas mal de gens que je connais, je les connais depuis longtemps. Je n’ai simplement pas l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes très souvent. Ou je le fais, mais ça ne dure pas, les places disponibles sont déjà occupées dans une certaine mesure, ou peut-être qu’il y a des cercles fixes qui nous paraissaient si bien quand on a commencé et qui nous semblent toujours assez bien.

 

N         Donc peut-être que tu peux comprendre pourquoi je pars, même si c’est pour un moment seulement, pour être avec des gens qui désirent déjà faire partie de cette brigade de skateurs qui traverse le monde.

 

X          Le problème n’a jamais été de comprendre. Et c’est génial. Je veux que tu me racontes comment les squats ont changé et comment le commerce contemporain a changé la ville et qui la tient maintenant.

 

N         Voyager et rencontrer des gens, c’est pas si mal. Je n’aurais jamais cette impression de la ville, pas dans le sens que tu dis, dans le style d’un reportage.

 

X          Même pas avec la territorialisation de tes quatre roues ?

 

N         Même pas à partir des échanges avec les gens que je rencontre

 

X          Parce qu’ils sont déconnectés du contexte

 

N         Peut-être. Pas nécessairement. C’est juste que ce n’est pas exactement la question. Je n’y vais pas pour évaluer et faire un rapport.

 

X          Tu seras juste là-bas pour former et enseigner ?

 

N         Je serai là-bas pour y être.

 

Les lumières changement tout à coup, s’assombrissent nettement, et on a l’impression d’un crépuscule. On entend à présent le quinzième mouvement du morceau. X emporte le skateboard de N et s’élève sur la scène, de sorte qu’ils sont très flous, à peine visibles même s’ils occupent le centre de la scène.

 

X          Il n’y a pas grand-chose à dire quand tu n’es littéralement pas invité à la fête. On souhaite prétendre qu’il y a un espace alternatif dans lequel tu préfèrerais te trouver, y être plutôt qu’à la soi-disant fête, ou peut-être qu’il y a un sentiment de honte dans la relation à l’espace. Peut-être que c’est une retraite facile qu’on parvient à accomplir pour arrêter de s’en préoccuper. Mais ce que je veux par-dessus tout, c’est m’intégrer directement et trouver les gens qui veulent faire attention à moi. À cette fête hypothétique, et aussi non. Je pense qu’en ce moment je recherche juste désespérément l’attention positive et l’impression que quelqu’un — n’importe qui, qui va se préoccuper de moi et souhaite passer du temps en ma compagnie. Peut-être que c’est pour ça que j’ai décidé aujourd’hui que ce serait bien de penser à avoir plus de chiens dans ma vie et peut-être que c’est la raison pour laquelle j’ai l’impression que je traverse un genre de crise. Que je peux reporter ma dépendance sur un animal.

 

N effectue en marchant le même parcours qu’il a fait auparavant en skate. Ses pas ne s’entendent pas, masqués par le piano. N semble s’adresser aux côtés de la scène.

 

N         Tu as fini par apprendre à aimer l’acide quand tu en as pris avec mes amis dans le parc municipal, vous vous êtes installés dans une maison qui vous inspirait, une maison où vivaient des gens qui travaillaient ensemble dans un cinéma pas loin, que tu trouvais terriblement cools et impressionnants. Tu as pris de l’acide avant à une fête près de l’eau, le genre où tu balances le sac de vin et les boissons à la vodka dans les buissons pour qu’un sanglier vienne s’y frotter. Tu tends la main pour toucher les marcassins et ta main se retrouve prise dans les petits poils. Un des habitants de la maison a pris de l’acide pour la première fois avec de bons amis pendant la journée. C’était juste une demi-tablette. Tu t’habilles pour essayer d’incarner tout ce qu’il y a de marginalement positif dans la vie. Je veux être associé à la joie. La dopamine vient quand je lui demande de le faire.

 

C’est à présent le mouvement dix-neuf.

 

X          Nous sommes dans un parc entretenu par la ville. Le plateau de jeu est comme une maquette de la ville, avec des tours et des ponts qui oscillent dans le vent. Être un tel géant dans ce squelette simplifié d’un château. Des nervures colorées. Personne ne joue, ou peut-être que c’est fermé au public. C’est la nuit. Qu’est-ce qu’on joue ?

 

Le plateau de jeu est comme un parlement. C’est une série de zones, comme des boîtes, comme des chambres d’hôtel, et il peut contenir différents groupes qui jouent suivant leur propre axe. Tu ne peux pas être sûr que leur illusion et leur fantasme leur permettent de s’écouter même s’ils sont côte à côte. C’est juste un pâté de maisons — ils ne sont jamais si différents, pour la plupart. Si tu essaies, tu entends les sons à travers les murs et les évents, c’est comme dans les films. Tu peux en entendre assez pour faire des inférences. Tu Les décorations sur le plateau ne sont pas ornées, il n’y a rien d’étranger dans le décor, même pas la crasse.

 

N         Règne souverain

 

La musique continue pendant un moment. N et X se déplacent parmi les blocs.

 

X          Un membre de l’opposition est un correspondant Nike à semelle de gel sur un plongeoir, les bulles d’air le propulsant avec la puissance des coutures réalisées par des enfants ouvriers, dénués de toute mutinerie, qui grouillent simplement en attendant d’être du côté du pouvoir et qu’on puisse leur dire de se syndiquer, ou de franchir un piquet de grève. Mon talent, c’est de me souvenir d’où vient chaque chose, son origine. Cela a commencé avec le plaisir qu’avait ma mère à conserver son droit d’avoir une théorie sur les raisons qui me faisaient pisser au lit. Elle s’y cramponne comme un conspirationniste, si foutrement sûre d’elle qu’elle en rayonne par vagues, par sourires sur des intestins satisfaits. Elle est tellement certaine, et elle se comporte comme si on ne vieillissait pas à la même vitesse.

 

N         L’autre personne était horrible avec sa chemise de flanelle. Tu aurais deviné qu’elle venait de chez Liberty à en juger par le motif, mais tu n’es pas un expert. Elle lui allait si mal, mais j’imagine que peut-être tout me va mal aussi et ce n’est pas vraiment une compétition qui se joue entre nous. Je dois avouer, je ne sais pas pourquoi je ressens le moindre besoin d’être condescendant envers quelqu’un qui est si parfaitement charmant envers moi. Est-ce que je pense vraiment que je suis d’une façon ou d’une autre supérieur à ces gens ?

 

X          Hier soir le diner à comment ça s’appelait était aussi une situation dans laquelle je pensais que tout le monde était juste poli avec moi et que je ne parvenais pas à manifester le moindre charisme ou posture charmante qui prouverait ma valeur aux yeux de ces gens qui sont différemment établis. Et ce n’est pas pour me laisser aller à un complexe d’infériorité, parce ce n’est certainement pas très intéressant, mais je suis, ouais, l’état d’observation et d’attraction à bas niveau est. Je ne sais pas, pitoyable et chiant et sinistre, et je me demande si la prochaine rencontre sera plus ou moins une punition.

 

La musique s’arrête.

 

N         Des insectes avec des carapaces qui détalent sous les pieds, comme des fruits d’eucalyptus sous le pont sans espoir de propagation naturelle, juste destinés à être un genre de graines à oiseaux. Littoral d’une ville facile. Donne à tout prix à ses réserves d’énergie la distinction d’un esprit brumeux. Oh le pont est en fait à côté de là où je pensais marcher et je n’en suis pas du tout proche. Trouver le pont pourrait bien être une perte de temps. J’imagine que j’étais censé marcher en rond. Peut-être que j’ai complètement perdu mes repères. C’est bruyant ici, mais c’est juste le train dans lequel je pourrais me trouver.

 

Ils sortent.


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