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BRUISE is an online publication providing visibility for ideas, conversations, experiments, and projects generated outside of traditional exhibition spaces by artists and their associates in dialogue with Triangle - Astérides, centre d’art contemporain in Marseille.

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07.06.2023

Déséquilibre transpédébigouine

Conversations   •  

À l'occasion du deuxième cycle de programmation proposé sur BRUISE magazine « Anti-psychophobie et anti-validisme : création, luttes et formes de solidarités », une partie du podcast « Desequilibrio cuir » des collectif Nebunchalá et Despatologizar lo cuir a été traduit en français. Dans cette conversation, les participantXs (Elisa Marquina, Marikarmen Free, Fátima Masoud et Nico Hernández) évoquent les luttes qui les ont aidéXs à dépathologiser leurs identités, leurs désirs, leurs émotions, leurs colères et leurs comportements. Leurs échanges soulignent l'importance du soutien mutuel comme alternative aux violences subies dans les parcours de vie traversés par les luttes queer et folles, et appellent à la création de liens et de réseaux transpédébigouines fous à l'international. Retrouvez ci-dessous la première partie d’une conversation éditée à partir de la transcription du podcast.



                                      Déséquilibre queer : Première partie


On prétend que nous souffrons d’un déséquilibre chimique, mais nous savons qu’il s’agit d’un déséquilibre de pouvoir. Nous allons parler des luttes qui nous ont aidées à dépathologiser le queer, à dépathologiser nos identités, nos désirs, nos émotions, nos colères et nos comportements. Nous allons réfléchir aux violences que nous vivons, aux stratégies de lutte contre la psychiatrisation et à la manière de construire des réseaux punks pour en finir avec la cishétéronormativité. Prépare ta boisson préférée et lance ce podcast, tu vas adorer perdre l’équilibre avec nous.

Elisa Marquina, Fátima Masoud, Marikarmen Free et Nico Hernández

Madrid, mars 2023

* Note sur cette publication : Après avoir enregistré un podcast à Madrid en mars 2023, nous publions ici, dans le magazine Bruise, en espagnol et en français, la première partie de notre conversation éditée à partir de la transcription du podcast. Nous continuerons à créer des réseaux afin de pouvoir partager le reste de la transcription avec vous. 


                                     1. Présentation : « Bonjour et bienvenue »


Fátima : Bonjour. Vous écoutez « Déséquilibre queer », un podcast de Nebunchalá à Madrid. Aujourd’hui je suis avec Marikarmen Free, DJ bizarre, performeuse à plein temps et membre du collectif INSANIA de Barcelone.

Marikarmen :  Salut tout le monde.

Fátima : Eli, activiste queer, philosophe de comptoirs et de trottoirs et surtout amie du collectif Orgullo Loco Madrid.

Eli : Salut, comment ça va ?

Fátima : Salut Eli.

Fátima : Nico, activiste fou et queer, connu comme le « backstreet boy » de Orgullo Loco Madrid.

Nico : Salut…

Fátima : On t’appelle comme ça, Nico, non ?

Nico : Eh bien, plus ou moins.

Fátima : Et au micro, Fatima Masoud, moi-même. Artiste, directrice de la première Escuelita Loca (Petite École folle) et briseuse de logique. Nous ne ferons cette émission qu’une fois, c’est un podcast unique qui fait partie d’un projet que nous avons réalisé cet été à Azala, Lasierra, au Pays Basque. Ce podcast est le prolongement d’un autre projet de recherche collaborative et expérimentale sur les assemblées transpédébigouines, arts et santé communautaire, coordonnées par Castillo… « Salut, Castillo ». 

Eli : « On t’aime, Castillo ».

Fátima : … depuis 2020, avec la collaboration d’Azala, que je viens d’évoquer, de l’école d’art erg : école de recherche graphique à Bruxelles, du Kaaitheater à Bruxelles et du MACBA à Barcelone et avec le soutien du Fonds de Recherche en Art de Belgique.

Le collectif Nebunchalá est né du projet « Comment faire en sorte qu’on nous foute la paix ? », développé par Castillo et moi-même. Pendant notre résidence au centre d’art La Escocesa à Barcelone, nous avons lancé un projet de recherche expérimentale et collaborative portant sur les processus, avec pour objectif de réaliser un film sur le mouvement Mad Pride dans le monde. Avec la participation de Katherine de la Mad Pride de Londres. « Bonjour, Katherine ».

Marikarmen : « Helloooooo ».

Fátima :  Avec Oana, de la Mad Pride de Roumanie. « Hello ».

 Marikarmen : « Hello, Oana ».

Fátima : Et avec Aloyse, du collectif belge de pratiques audiovisuelles postporno, Porn Process. « Bonjour ».

Marikarmen : « Salut, salut ».

Fátima :  Et Marikarmen Free, de INSANIA à Barcelone, qui nous accompagne aujourd’hui.

Marikarmen : Je m’auto-salue, « Bonjour, bonjour ».

 

       2. La Mad Pride et autres réseaux : « Fièrement folles et fièrement dissidentes »


Fátima : La Mad Pride est un mouvement qui est né au Canada en 1993, lors de la première journée pour la fierté des survivantes de la psychiatrie, le Psychiatric Survivor Pride Day. C’est un mouvement international composé de personnes qui se revendiquent comme folles, survivantes de la psychiatrie, psychiatrisées, clientes ou usagères de services de santé mentale, malades mentales, neurodivergentes, entendeuses de voix... et qui mènent leur propre lutte en tant que sujets politiques. Le mouvement prône un nouveau paradigme en santé mentale, où la folie ne serait ni pathologisée ni punie. Il prône aussi la fin de toute violence psychiatrique, ainsi que la fin du modèle biopsychosocial qui pathologise les malêtres et les conséquences de nos conditions de vie qui sont le produit d’un système capitaliste, colonialiste et patriarcal.

Eli : Hétéropatriarcal.

Fátima : Voilà.

Eli : Dans lequel nous vivons.

Fátima : Voilà. J’aimerais que Marikarmen, qui a également participé au projet « Comment faire en sorte qu’on nous foute la paix ? » au centre d’art La Escocesa, nous parle de son expérience.

Marikarmen : Je salue d’abord toutes les personnes qui écoutent ce podcast. J’ai encore du mal à prononcer « podcast ». Euh…

Fátima : Comment s’est passée ta rencontre avec d’autres personnes du mouvement international de la Mad Pride ?

Marikarmen : J’ai trouvé ça super intéressant. De savoir que des personnes en Roumanie se mobilisent sur le thème de la folie et sont super actives en plus, dans un contexte comme celui de la Roumanie. À vrai dire, comme tu l’as dit au début, nous avons commencé ce projet avec l’intention de faire un documentaire, mais assez vite on a remis les pieds sur terre et on s’est dit que le plus éthique, le plus logique, serait de rencontrer plusieurs fois, différentes personnes, de différents pays. Autrement dit, on a grandement élargi le projet à différents groupes sociaux travaillant sur le thème de la santé mentale. Ce podcast en est la conséquence. Nous avons décidé de poursuivre sur cette voie, en réalisant ce podcast et en organisant sûrement d’autres rencontres pour arriver à notre objectif, qui serait de pouvoir réaliser un documentaire sur les Mad Prides.

Fátima : Oui, un documentaire et surtout créer des réseaux, non ? Avec les camarades de différents continents.

Marikarmen : Exactement.

Fátima : Et puis, nous voulions aussi inscrire ce podcast dans le cadre des rencontres qui ont eu lieu à Madrid et dont Nico pourra peut-être nous parler un peu plus, et Eli aussi. Les rencontres « Dépsychiatrisation du queer ». Raconte-nous Nico.

Nico : Eh bien, nous voulions faire quelque chose qui allie trans et folie. Alors, comme il n’y avait jamais eu de rencontres, de discussions... sur ces thèmes, nous nous sommes réunies avec Octubre Trans et des membres du collectif Orgullo Loco Madrid pour proposer les rencontres « Dépsychiatrisation du queer ». On les a organisées et franchement ça a été une très belle expérience, parce qu’en plus de rencontrer de nouvelles personnes, ça nous a permis de créer un espace pour pouvoir parler de ces questions et du fait que bien souvent, dans le mouvement queer, on envoie nos propres camarades en thérapie. Ça a fait émerger de jolies choses.

Eli : Oui. Avant tout, je voudrais dire que j’ai trouvé important qu’un espace anti-psychologique soit créé pour la première fois dans les collectifs queers, ce qui permet de rompre avec l’imaginaire lié aux systèmes de santé mentale et à la psychiatrisation. C’est aussi une manière de prendre conscience de comment créer des réseaux entre nous, tout en ouvrant la possibilité de former de futurs réseaux entre différentes fiertés et dissidences.

Fátima : Fièrement folles et fièrement dissidentes.

 

                                 3. La dépathologisation : « Briser la machine »

 

Nico : Nous voulions aussi parler de la dépathologisation des personnes diagnostiquées. De comment on nous envoie en psychiatrie et comment on arrive au point où il devient très facile de nous psychiatriser. C’est quelque chose dont nous parlons tout le temps. La médicalisation ne concerne pas seulement les gens qui ont un diagnostic ; il suffit d’aller voir un médecin généraliste qui te prescrira des médicaments.

Marikarmen : Ça concerne tout le monde.

Eli : Oui, toute personne est susceptible d’être psychiatrisée, et de plus en plus d’ailleurs.

Nico : Complètement. On psychiatrise les enfants, au final la psychiatrie s’immisce dans la vie de tout le monde, ça arrive très facilement. Mais c’est vrai que lorsqu’on te colle un tas de diagnostics et que tu entres dans le système de santé mentale, c’est là qu’on commence à bafouer tes droits. J’aimerais aussi parler du fait que dès que tu as un diagnostic, on te dit qui tu dois être. C’est quelque chose dont je parle beaucoup, dont nous parlons beaucoup. Le fait qu’on te définisse par un diagnostic et qu'en plus on te pousse à y croire. Si bien que pendant très longtemps, je pensais que parce que j’avais certains diagnostics j’étais un certain type de personne, un peu nocive... Tu dois déconstruire tout ça et parfois c’est très difficile d’en sortir, de se dire : « Hé, je ne suis pas ce que disent les études. Je suis comme ça, j’ai des moments de folie et de souffrance, mais je suis beaucoup plus que ça ». Ça me semble très important.

Eli : J’aimerai réfléchir un peu sur le titre, sur les « déséquilibres queers ». Je pense qu’on peut produire un tas de discours pour expliquer toute sorte de déséquilibres, d’asymétries... non ? Nous vivons dans une société sans cesse exposée à un putain d’appareil de contrôle, de surveillance et de punition qui à travers une série de discours – en particulier la psychologie, la psychiatrie, l’économie, le capitalisme, bla-bla-bla – absorbe, normalise ... nos corps, nos comportements, nos sexualités. Ce qui sort de la norme est puni, pathologisé. Moi qui viens de Saragosse et d’un environnement répressif, j’ai eu ma première expérience avec la psychiatrie alors que j’étais une petite gouine de la campagne et que j’étais un peu… disons perturbée. Je ne faisais partie d’aucun collectif, je ne savais pas quoi faire de ma sexualité, de mon corps... Alors pendant une période je fumais beaucoup de joints et j’étais en pleine crise. Je me souviens de la violence, du moment où j’ai dû aller voir un psychiatre. C’était comme... comme sentir que la psychiatre m’objectivait, qu’elle cherchait la preuve de... qu’elle cherchait des diagnostics tout le temps... Dites-vous que j’ai même oublié lequel c’était. Enfin, c’est dans mon dossier clinique, mais j’ai oublié le diagnostic qu’elle m’a donné.

Fátima : Et en un seul rendez-vous, elle t’a diagnostiquée ?

Eli : Oui, elle m’a donné un diagnostic et un traitement. Je me souviens d’être sortie avec ma mère, d’être avec elle et d’avoir dit : « Je ne pense pas que je suis malade ». Parce que je sentais qu’il se passait d’autres choses dans ma vie et que la psychiatre ne m’avait pas écoutée ; qu’elle m’observait depuis une position de pouvoir. Et je me souviens d’avoir commencé à prendre les médicaments, puis de les avoir jetés à la poubelle. J’ai réussi à m’en sortir parce que je suis partie, parce que j’ai changé d'environnement. Si je n ;étais venue ici, on m’aurait psychiatrisée, si je n’étais pas partie dans une autre ville où j’ai pu militer, où j’ai découvert d’autres façons d’habiter le monde. Maintenant, je voudrais vous demander : comment avez-vous vécu l’enfermement, l’expérience de la psychiatrie ? D’où vient ce déséquilibre et comment se construit ce discours ? Je ne sais pas si tu veux réagir, Marikarmen.

Marikarmen : Oui, je vais résumer le plus possible. Je suis une personne intersexe. Mon premier contact avec la psychiatrie et le monde des médecins, des hôpitaux, etc. a été très précoce. Je ne sais plus quel âge j’avais exactement, mais je me souviens qu’à six ans, mon corps avait déjà subi cinq opérations. Cette intrusion médicale s’accompagnait aussi d’une intrusion psychiatrique, car la psychiatrie était juste derrière, en attente. Ils savaient que les opérations finiraient par provoquer des traumatismes plus tard et attendaient que les chirurgiens fassent leur travail. Ensuite la psychiatrie est venue renforcer l’idée que l’institution médico-psychiatrique fonctionne : parce que toi qui vas mal, il faut bien t’aider et on peut dire qu’ils sont super motivés, non ? Voilà mes premiers contacts avec le monde de la médecine et de la psychiatrie. Mon corps était un centre d’exposition ; des médecins, des étudiants en médecine, en chirurgie, etc. venaient observer mon corps et surtout mes organes génitaux ; ce qu’ils ne pouvaient pas voir dans les livres, ou qui ne figurait dans aucune documentation, etc. ils pouvaient le voir en direct. Ne pas avoir le droit de dire si tu veux ou non que ces gens voient ton corps, maintenant que je suis capable de comprendre, je m’en souviens comme quelque chose de violent. Et j'ai aussi pris conscience de ce que ça a produit dans mon corps et du besoin de surmonter ces traumatismes. Maintenant oui, je m’en souviens comme quelque chose d’hyper violent. C’est la première apparition des médecins et des psychiatres dans ma vie. Viendra ensuite un psychiatre qui commencera par dire que j’ai un trouble affectif, un trouble schizo-affectif. Puis on tentera de me donner d’autres diagnostics, jusqu’au dernier diagnostic en date, celui de TOC (Trouble Obsessionnel Compulsif). Je trouve ce diagnostic très amusant parce que je n’ai rien à voir avec ce que j’ai entendu dire du TOC jusqu’à présent. Je considère que ce qui m’arrive est lié au social et non à quelque chose de biologique, pourtant c’est ce qu’ils recherchent en permanence. C’est lié à mes peurs et à mes paranoïas ; c’est lié au fait que je ne veux pas montrer mon corps, que j’ai peur de mon corps et que, toute ma vie, on l’a exposé comme si c’était un endroit où l’on pouvait faire et défaire ce qu’on veut, comme on veut, sans ma permission. Alors, bien sûr que maintenant j’ai un traumatisme lié au corps, mais ce n’est pas biologique, c’est vraiment ce que je tiens à préciser.

Nico : Au fond, c’est ce que vous disiez aussi, non ? Ce que toi tu disais, Eli, tout à l’heure. En gros : « La psychiatre ne m’écoutait pas, ce jour-là je n’ai pas été écoutée ». Nous en parlons souvent, ni les psychiatres ni la psychiatrie ne nous écoutent. C’est comme si on perdait la voix dès l’instant où on est psychiatrisée.

Eli : Il y a aussi les électrochocs.

Nico : Oui. J’ai connu la psychiatrie très jeune, à l’âge de 13 ans, et j’ai aussi reçu beaucoup de diagnostics, toute ma vie on a continué à me donner un tas de diagnostics. Personne ne s’est demandé pourquoi. Et comme je traverse des expériences atypiques, il a vite été question d’électrochocs, de médicaments... Les médicaments ne fonctionnaient pas, donc on finit par se demander si tu inventes des trucs... Les électrochocs ne fonctionnent pas... Bref, au final, j’ai été psychiatrisé à un très jeune âge. Évidemment, je sais pourquoi c’est arrivé, c’est à cause des traumatismes et de la violence que j’ai subi. Au bout du compte, c’est ce que tu disais, Marikarmen, c’est un phénomène social. Et pourtant, on m’a toujours dit que je souffrais de psychose, de schizophrénie…

Marikarmen : Que c’est un phénomène biologique.

Nico : Exactement. Que j’ai un problème dans le cerveau. Concrètement, on m’a expliqué que c’était comme si j’avais des câbles endommagés dans le cerveau et qu’on allait les réparer. Alors, une fois entré là-dedans, on m’a administré des électrochocs et par la suite c’est très difficile de sortir de la psychiatrie. Je n’en suis pas sorti, mais j’ai essayé de créer des réseaux collectifs, de sortir un peu de là et de retrouver un peu de vie.

Fátima : Oui, parce que lorsque nous parlons de diagnostics, une chose qui a tendance à arriver à toutes les personnes psychiatrisées, c’est d’en avoir au moins trois. Trois, quatre, cinq... Nous avons toutes énormément de diagnostics, et je pense que ça remet aussi en question ce discours sur le problème situé dans notre cerveau. C’est pourquoi dans le mouvement fou on utilise toujours la phrase : « Ce n’est pas un déséquilibre biochimique, c’est un déséquilibre de pouvoir ». Même l’ONU (Organisation des Nations Unies) affirme qu’il faut davantage tenir compte des déséquilibres de pouvoir, comme les conditions matérielles, la pauvreté et un million d’autres choses, plutôt que de quelque chose dans le cerveau dont l’existence n’a pas été prouvée. Les psychiatres te donnent trois diagnostics qui se contredisent entre eux, mais apparemment tout est dans ton cerveau ; ils ont alors des mots merveilleux comme « comorbidité », « pathologie double »... tout ce qui permet de relier les troubles entre eux. Alors qu’il n’y a aucune preuve organique qui le démontre. Je pense qu’en fin de compte, le plus grand déséquilibre auquel nous sommes confrontées est l’invisibilisation de la possibilité de concevoir la souffrance et la folie d’une autre façon.

Nico : De briser la machine.


           4. Qu'est-ce que la psychiatrisation ? : « Un pied dedans un pied dehors »


Eli : Bon, pour continuer je voudrais vous poser cette question : qu’est-ce que la psychiatrisation ?

Fátima : Je pense que la psychiatrisation est l’ensemble du processus par lequel on commence à déterminer que tu es malade en raison d’une souffrance psychique, d’une folie, ou d’un comportement que l’on voudrait éliminer, comme l’entente de voix, ou toute autre expérience psychique atypique. Normalement la psychiatrisation commence lorsque tu vas chez un psychiatre, mais elle commence aussi souvent en soins primaires quand, par exemple, on te donne des benzodiazépines parce que tu es complètement épuisée par tes doubles journées de travail, par tes tâches de care, ou de parent, ou que l’on te donne des antidépresseurs qui sont souvent prescrits dans le cadre des soins primaires, surtout en Espagne. Ensuite, il y a d’autres étapes dans la psychiatrisation. Souvent, la première hospitalisation arrive parce que tu as été voir un psychiatre qui finit par demander ton hospitalisation, ou parce que tu vis des souffrances extrêmes, ou bien tu finis en service psychiatrique après avoir fait une crise d’automutilation, ou toute autre crise. Puis une fois que tu as mis un pied en psychiatrie, même si tu as demandé à y entrer librement – nous savons tous que l’hospitalisation libre n’existe pas, c’est comme le père Noël, ça n’existe pas – ton hospitalisation se transforme en contrainte. Et en Espagne, les hospitalisations sous contrainte dans le système de santé publique durent environ 15 jours, dans le privé ça dure plus longtemps, ça peut durer jusqu'à deux mois. Certaines personnes sont hospitalisées en soins de longue durée depuis 30 ans, c’est-à-dire depuis la réforme psychiatrique. Il y a des gens qui sont dans des centres de réhabilitation psychosociale, des centres de jour... autrement dit, leur quotidien c’est d’être en institution de santé mentale. Et puis il y a les gens qui ont réussi à survivre à la psychiatrie, mais pas complètement. Je me dis toujours que j’ai encore un pied à l’intérieur parce que c’est très difficile d’en sortir. Je ne sais pas ce que vous en pensez...

Marikarmen : Moi, effectivement, je vois aussi les choses un peu comme ça. Je sais que j’ai toujours un pied dedans et un pied dehors, à cause de mes trois diagnostics et de mes trois hospitalisations sous contrainte. Pour moi, les trois étaient sous contrainte, même si sur le papier c’étaient des « hospitalisations libres ». Il faut mettre des guillemets lorsqu’on parle d’« hospitalisation libre », parce que l’hospitalisation se transforme en contrainte une fois que tu es à l’intérieur. Libre, ça voudrait dire savoir quand tu entres et quand tu sors, pouvoir décider. Or, tu ne peux jamais décider ; tu peux décider d’entrer, mais tu ne décides pas de ta sortie. J’ai donc toujours un pied dedans et un pied dehors et je m’en rends compte au quotidien. Par exemple, je ne peux pas mettre un grand coup de pied dans une poubelle si je suis en colère, parce qu'on m'emmènerait en psychiatrie, en raison de mes trois diagnostics. Alors que n’importe qui d’autre recevrait une amende…

Fátima : Pour dégradation du mobilier urbain, bla-bla-bla. 

Marikarmen : Etc., etc., etc. Je le vois comme quelque chose de très quotidien. Lorsque je parle, si je vais à l’hôpital et que les gens voient mon dossier médical, alors certaines choses vont être mises en doute parce que j’ai un diagnostic. Je le vois tous les jours. C’est aussi très important de savoir comment tout ça est structuré et sur quelle base. Il ne s’agit pas simplement de placer les gens dans un hôpital psychiatrique pour les soigner, non. Il s’agit de nous rendre productives. Il faut bien comprendre ça. C’est pourquoi nous parlons de contextes sociaux et non de quelque chose de biologique. Ce que ces gens veulent, c’est que tu sortes de là en étant capable de travailler, de contribuer à l’État, de payer tes cotisations, de payer la TVA... c’est ça la logique.

Fátima : Bien sûr. Selon la définition de la santé mentale donnée par l’Organisation mondiale de la Santé, on est en bonne santé mentale lorsqu’on peut produire et lorsqu’on a un emploi.

Marikarmen : Et lorsque tu t’intègres à la vie sociale.

Fátima : Tout à fait. Et lorsque tu ne t’intègres plus, tout ce qu’il te reste à faire c’est prendre beaucoup de médicaments, devenir profitable à l’industrie pharmaceutique et devenir cliente, ou usagère comme on dit maintenant, de ces services de santé mentale, n’est-ce pas ?

Nico : Oui. J’aimerais aussi ajouter quelque chose à ce que tu disais, Marikarmen, il faut aussi savoir que, moi par exemple, lorsque mon état empire, il vaut mieux que j’évite d’aller chez le psychiatre cette semaine-là, vu que j’ai un pied dedans et un pied dehors.

Marikarmen : Oui, tu risques de ne pas ressortir libre.

Fátima : Moitié dedans, moitié dehors.

Nico : Exactement, il s’agit de ça au fond. C’est lié à comment tu te comportes et comment les gens se comportent avec toi, comment on s’adresse à toi quand tu as des diagnostics. Et cette peur permanente de savoir que même si je ne veux pas être hospitalisé, je peux l’être. Et j’ai plus de risques d’être hospitalisé qu’une personne qui n’a aucun diagnostic.

Fátima : Bien sûr, et c’est aussi ce dont nous parlions juste avant concernant l’identité. Le moindre comportement, la moindre émotion se retrouve pathologisée. Si tu es très en colère, c’est qu’il faut t’hospitaliser, si tu es très heureuse : « Oula, tu es surexcitée, il faut redescendre ! ».

Nico : « Tu es euphorique ».

Fátima : « Redescendre ». Et tu te dis : « mais redescendre d’où ? »

Marikarmen : « Adrénaline », « euphorie », ça renvoie toujours au biologique.

Fátima : Si tu es triste, c’est que tu fais une dépression et que tu risques de te suicider. Donc, d’un côté, la psychiatrisation est la pathologisation des conséquences liées aux conditions matérielles de la vie et du capitalisme. Mais, d’un autre côté, c’est aussi la pathologisation de toute question existentielle, des émotions et tout le reste, non ?

Marikarmen : Les sentiments, c’est la pathologisation des sentiments.

 

À suivre…

 

***

Crédits du podcast

« Desequilibrio cuir », mars 2023

Avec la participation de : Elisa Marquina, Fátima Masoud, Marikarmen Free et Nico Hernández

Son : Nuria Martínez

Musique : Sthela et Microclimax, « Engulle », 2019 

Conception graphique : Ángela Haller

Production et distribution du podcast : Despatologización de lo cuir (Madrid) et Nebunchalá (Barcelone)

Enregistré au studio Robin Groove à Madrid le 21 février 2023.

Crédits du présent texte édité à partir de la transcription du podcast

Édition d’origine en espagnol : Castillo

Traduction française : Rio Da Silva

Photographie : Tatouage fait par Aureliano sur le bras de Nico en 2023 

Crédits du projet de recherche et de financement

Le projet de podcast a été accompagné et financé pour faire suite à une assemblée qui s’est tenue à Azala, Lasierra, au Pays Basque, en juillet 2022. L’assemblée fait partie d’une recherche artistique expérimentale et collaborative qui élabore des processus pour réaliser des projets d’art et de santé communautaire transpédébigouine qui ne sont pas assimilationnistes mais en coopération avec des activismes radicaux.

Le collectif Despatologizar lo cuir, collectif né des rencontres « Dépsychiatriser le queer », et le collectif Nebunchalá mettent en œuvre le projet de manière autonome et ont été accompagnés entre décembre 2022 et avril 2023 par Castillo et Fátima Masoud sous la forme d’un comité de soutien formé lors de l'assemblée de Lasierra.

Le projet de recherche et cette collaboration avec Despatologizar lo cuir et Nebunchalá sont soutenus par le FRArt : Fonds de la Recherche en Art de Belgique et le soutien de l’erg : école de recherche graphique à Bruxelles.


Versión en castellano


                                     Desequilibrio cuir: Primera parte


Nos dicen que tenemos un desequilibrio químico, pero nosotras sabemos que lo que tenemos es un desequilibrio de poder. Vamos a hablar de las luchas que nos han servido para despatologizar lo cuir, para despatologizar nuestras identidades, nuestros deseos, nuestras emociones, nuestras rabias y nuestras conductas. Reflexionaremos sobre las violencias que vivimos, sobre las estrategias en la lucha contra la psiquiatrización y sobre cómo construir redes punkis para acabar con la cisheteronormatividad. Prepárate tu bebida favorita y ponte a escuchar este podcast, te encantará perder el equilibrio junto a nosotras.

Elisa Marquina, Fátima Masoud, Marikarmen Free y Nico Hernández

Madrid, marzo de 2023

* Nota sobre esta publicación: Tras grabar un podcast en Madrid en marzo de 2023, publicamos aquí, en la revista marsellesa Bruise, en castellano y en francés, la primera parte de nuestra conversación editada a partir de la transcripción del podcast. Seguiremos creando redes para poder compartir con vosotres el resto de la transcripción.

 

                                   1. Presentación: “Hola, muy buenas”


Fátima: Buenas madrugadas. Esto es Desequilibrio cuir, un podcast de Nebunchalá en Madrid. Me acompañan esta tarde Marikarmen Free, DjRarita, performer a tiempo completo e integrante del colectivo INSANIA de Barcelona.

Marikarmen: Hola, muy buenas.

Fátima: Eli, activista cuir, filósofa de cañas y de calles, y, ante todo, amiga del colectivo Orgullo Loco Madrid.

Eli: Hola, ¿qué tal?

Fátima: Hola, Eli.

Fátima: Nico, activista loco y cuir, conocido como el Backstreet Boy del Orgullo Loco Madrid.

Nico: Hola...

Fátima: ¿No? ¿Así te conocen, Nico?

Nico: Bueno, más o menos.

Fátima: Y al habla, Fátima Masoud, que soy yo. Artista, directora de la primera Escuelita Loca y rompe lógicas. Este programa lo haremos solo una vez, es un podcast único y está encuadrado dentro de un proyecto que hicimos este verano en Azala, en Lasierra, País Vasco. Este proyecto continúa otro proyecto de investigación colaborativo y experimental sobre asambleas transmaribibollo, artes y salud comunitaria que coordina Castillo. “Hola, Castillo”.

Eli: “Te queremos, Castillo.”

Fátima: Desde 2020, con la colaboración de Azala, como ya hemos dicho, de la escuela de arte erg: école de recheche graphique en Bruselas, del Kaaitheater en Bruselas y del MACBA en Barcelona, y con el apoyo del Fonds de Recherche en Art en Bélgica.

El colectivo Nebunchalá nace a partir del proyecto “Cómo conseguimos que nos dejen en paz?”, elaborado por Castillo, y por mí misma. En la residencia que realizamos en el centro de arte La Escocesa en Barcelona iniciamos un proyecto de investigación experimental y colaborativo sobre procesos, con el objetivo de realizar una película sobre el movimiento del Orgullo Loco en el mundo. En Barcelona contamos con Katherine del Mad Pride de Londres. “Hola, Katherine”.

Marikarmen: Helloooooo”.

Fátima:  Con Oana, del Mad Pride de Rumanía. “Hello”.

Marikarmen: Hello Oana

Fátima: Y con Aloyse, del colectivo belga de prácticas audiovisuales postporno Porn Process. “Bonjour”.

Marikarmen: “Hola, holaa”.

Fátima:  Y Marikarmen Free, de INSANIA en Barcelona, que nos acompaña hoy.

Marikarmen: Yo me auto saludo, “Hola, hola.”

 

         2. El Orgullo Loco y otras redes: “Orgullosamente locas  orgullosamente disidentes”


Fátima: El Orgullo Loco es un movimiento que nace en Canadá, al celebrarse en 1993 el primer día del orgullo de supervivientes de la psiquiatría. Es un movimiento internacional, formado por personas que se identifican como locas, supervivientes de la psiquiatría, psiquiatrizadas, consumidoras, usuarias de servicios de salud mental, enfermas mentales, neuro diversas, escuchadoras de voces… que lideran su propia lucha como sujetos políticos. El movimiento reivindica un nuevo paradigma en el campo de la salud mental, donde no se patologice, ni se castigue la locura. Igualmente, reivindica el fin de toda violencia psiquiátrica, así como el fin de un modelo biopsicosocial, que patologiza las consecuencias y malestares de las condiciones de vida, producto de un sistema capitalista, colonialista y patriarcal.

Eli: Heteropatriarcal.

Fátima: Muy bien.

Eli: En el que estamos.

Fátima: Muy bien. Me gustaría que Marikarmen, que también estuviste en el proyecto “Cómo conseguimos que nos dejen en paz?” en el centro de arte La Escocesa, nos contaras tu experiencia.

Marikarmen: Bueno, buenas primero a toda la gente que está escuchando este podcast. Que aún estoy intentando saber cómo se dice. Eh…

Fátima: ¿Cómo fue la experiencia de encontrarte con otras personas del movimiento del Mad Pride internacional?

Marikarmen: Para mi súper interesante. Sobre saber cómo hay gente en Rumanía que se está moviendo por el tema de la locura, ¿no? Y que está además súper activa en un contexto como puede ser el de Rumanía. La verdad es que este proyecto lo empezamos, como bien decías al principio, con la intención de hacer un documental, aunque luego también pusimos los pies en la tierra y dijimos que lo más ético, lo más lógico, sería que nos reuniésemos varias veces, con diferentes personas de diferentes países. O sea, como que lo hiciésemos mucho más extensible a diferentes partes de la población que está trabajando con el tema salud mental. Y este podcast es consecuencia de eso. Hemos decidido seguir en esta vía, haciendo este podcast y seguramente organizando más encuentros para llegar a nuestro fin, que sería la posibilidad de hacer un documental sobre orgullos locos.

Fátima: Sí, un documental, y sobre todo generar redes, ¿no? Con las compañeras de los diferentes continentes.

Marikarmen: Exactamente.

Fátima: Y luego, también, este podcast lo queríamos encuadrar con unos encuentros que se hicieron en Madrid de los que quizás Nico nos pueda comentar un poquito más, y Eli también. Los encuentros “Despsiquiatrización de lo queer”. ¿Sí?, cuéntanos Nico.

Nico: Pues, queríamos hacer algo juntando lo trans con lo loco. Entonces, como nunca se habían hecho encuentros, charlas… sobre estos temas, nos juntamos con el Octubre Trans y personas del colectivo Orgullo Loco Madrid para hacer los encuentros “Despsiquiatrización de lo queer”. Los organizamos y la verdad es que fue una experiencia muy bonita, porque además conocimos a más gente y generamos un espacio para poder hablar sobre estos temas y sobre el hecho de que muchas veces, dentro del movimiento cuir, se mandan a las propias compañeras a terapia. Fue bonito lo que se generó.

Eli: Sí. Sobre todo, decir que me pareció fuerte, dentro de los colectivos cuir, que se crease el primer espacio antipsicologista, que es una manera romper con el imaginario de derivar a los sistemas de salud mental y de psiquiatrizar. Es también una forma de concienciarnos sobre cómo eh de crear redes entre nosotres y con futuras posibilidades de conformar redes entre orgullos y disidencias.

Fátima: Orgullosamente locas y orgullosamente disidentes.


                               3. La despatologización: “Romper la máquina”

Nico: También íbamos a hablar sobre la despatologización de las personas con diagnósticos. Sobre cómo nos meten en la psiquiatría y cómo llegamos a un punto en que es súper fácil que nos psiquiatricen. Es algo de lo que hablamos continuamente. No es sólo porque tengas un diagnóstico que te puedan medicar; tú vas al médico de cabecera y te pueden ya recetar medicación.

Marikarmen: Que nadie está exento.

Eli: Sí, que cualquier persona es vulnerable de ser psiquiatrizada, De hecho, cada vez más.

Nico: Total. Y que se psiquiatriza a niñes, a todo el mundo. Al final se les mete la psiquiatría y es muy fácil que esto ocurra. Pero la verdad es que cuando te ponen muchos diagnósticos y cuando entras en el sistema de salud mental, es cuando empiezan a vulnerar tus derechos. A mí me gustaría hablar también de que desde el momento en que tienes un diagnóstico ya te dicen quién eres, ¿no? Que es algo de lo que yo hablo mucho, de lo que hablamos mucho. El hecho de que te definan por un diagnóstico y además que te lo hagan creer, ¿no? Yo, al final, durante muchísimo tiempo pensaba que por tener ciertos diagnósticos era de una manera, era dañino… Y te tienes que deconstruir y es muy difícil a veces salir de ahí. Decir, “Oye, yo no soy lo que dice un estudio. Yo soy así y tengo locuras y sufrimiento, pero soy mucho más”. Esto me parece muy importante.

Eli: A mí me gustaría reflexionar un poco sobre el título, sobre los “desequilibrios cuir”. Creo que se pueden generar muchas narrativas a la hora de explicar todos los desequilibrios, las asimetrías… ¿no? Vivimos en una sociedad expuesta todo el rato a un puto aparato de control, de vigilancia y de castigo que a través de una serie de discursos – sobre todo la psicología, la psiquiatría, la economía, el capitalismo, bla, bla, bla – va consumiendo, normalizando… nuestros cuerpos, nuestras conductas, nuestras sexualidades. Se castiga a lo que se sale de la norma; se patologiza. Yo, que vengo de Zaragoza, así como de un entorno represivo, tuve primera experiencia con la psiquiatría cuando yo era una bollito de pueblo y estaba como un poco… pues atravesada No participaba colectivos, no tenía una manera de vivir mi sexualidad, mi cuerpo… Entonces también tuve un momento de fumar muchos porros y de crisis a saco. Yo me acuerdo de la violencia, de cómo fue ese momento en que tuve que ir al psiquiatra. Fue algo así como… como sentir que la psiquiatra me objetivizaba, que buscaba la prueba de… que buscaba diagnósticos todo el rato… Fijaos que me ha olvidado. O sea, que está en mi historial clínico, pero es que se me ha olvidado el diagnóstico que me puso.

Fátima: ¿Y fuiste un solo día y ya te puso un diagnóstico?

Eli: Sí, me puso un diagnóstico y me puso medicación. Yo me acuerdo de salir con mi madre, estar con ella y decir, “Yo creo que no estoy enferma”. Porque yo sentía que me pasaban otras cosas y que la psiquiatra no me había escuchado; que estaba leyéndome desde una posición de poder. Y me acuerdo de que me empecé a tomar la medicación, y me acuerdo de tirarla a la basura. Yo conseguí escapar de eso porque me fui, porque cambié mi entorno. Si yo no me hubiera ido ahí me, hubieran psiquiatrizado, si no me hubiera venido a otra ciudad donde he podido militar, donde he encontrado otras formas de habitar el mundo. Entonces, os quería preguntar, ¿cómo ha sido para vosotres el encierro, la experiencia de la psiquiatría? ¿De dónde viene ese desequilibrio y cómo se construye esa narrativa? No sé si quieres, Marikarmen, comentar.

Marikarmen: Sí, yo lo voy a sintetizar todo lo posible. Yo soy una persona intersex. Mis primeros contactos con la psiquiatría y con el mundo de los médicos, los hospitales y tal, es desde muy temprana edad. No tengo constancia de a qué edad exactamente, pero sí recuerdo que a los seis años ya acumulaba cinco operaciones en mi cuerpo. Ese intrusismo médico estaba acompañado de otro psiquiátrico también, porque la psiquiatría estaba justo detrás, esperando. Sabían que las operaciones iban a causar algún tipo de trauma en el futuro y estaban a la espera de que los cirujanos hiciesen su trabajo. Entonces apareció la psiquiatría a reforzar la idea de que la institución médico-psiquiátrica funciona: a ti, que estás mal, te tienen que ayudar y están, ahí, súper predispuestos, ¿no? Esos fueron mis primeros contactos con el mundo de la medicina y de la psiquiatría. Mi cuerpo era un centro de exposición; entraban médicos, estudiantes de medicina, estudiantes de cirugía, etc., a observar mi cuerpo y mis genitales sobre todo; lo que no podían ver en los libros, o lo que no tenían plasmado en documentales, etc., lo podían ver en directo. Esa falta de derecho de poder decir si querías o no que esa gente viese tu cuerpo, yo la recuerdo, ahora que tengo la capacidad de entenderlo, como algo violento. Y además he visto lo que ha generado en mi cuerpo y las necesidades de salir de esos traumas. Ahora sí lo recuerdo como algo súper violento. Esa es la primera vez que los médicos y los psiquiatras aparecen en mi vida. Luego aparece un psiquiatra diciendo que mi primer trastorno es un trastorno afectivo, un trastorno esquizoafectivo. Luego intentan darme otros diagnósticos hasta que el último diagnóstico que me dan es TOC (trastorno obsesivo-compulsivo). A mí me hace mucha gracia este diagnóstico en concreto porque no tengo nada que ver  con lo que me han contado del TOC hasta ahora. Entiendo que algo pasa, y eso que pasa tiene que ver con lo social y no con algo biológico, que es lo que están buscando continuamente. Tiene que ver con mis miedos y mis paranoias; tiene que ver con no querer enseñar mi cuerpo, con tenerle miedo a mi cuerpo y con que toda la vida lo han expuesto como si fuese un lugar donde podías hacer y deshacer a tu gusto y antojo sin mi permiso. Entonces, claro, ahora tengo un trauma con el cuerpo, pero no es biológico, eso es lo que quiero dejar súper claro.

Nico: Al final, también es una cosa que habéis dicho, ¿no? Qué has dicho tú, Eli, antes. Algo así como, “El psiquiatra no me escuchaba, no me escuchó ese día”. Lo hablamos mucho, no nos escuchan ni los psiquiatras y ni la psiquiatría. Es como que nos quitan la voz desde el momento en que estás psiquiatrizada.

Eli: Y lo de los electroshocks, ¿no?

Nico: Sí. Yo entro en la psiquiatría desde muy pequeño, con 13 años, y también me ponen muchos diagnósticos y durante toda mi vida me han puesto un montón de diagnósticos. Nadie se pregunta el por qué. Y como yo tengo experiencias inusuales pues ya es electroshock, medicación… No funcionaba la medicación, pues a lo mejor te estás inventando cosas… No funciona el electroshock… Entonces, al final, pues me psiquiatrizaron desde muy pequeño. Obviamente yo sé por qué ha venido y es por los traumas que he tenido y la violencia que he vivido. Al final es lo que has dicho tú, Marikarmen, es algo social. Y sin embargo a mí siempre me han dicho que yo tengo psicosis, esquizofrenia…

Marikarmen: Que es algo biológico.

Nico: Eso es. Que tengo un fallo en el cerebro. De hecho a mí me explicaron que yo tenía como cables en mi cerebro y que estaban rotos y que se iban a arreglar. Entonces, entré ahí, me dieron electroshocks y al final es muy difícil salir de la psiquiatría. Yo no he salido, pero intenté hacer redes en colectivos, y salir un poco de ahí, y poder hacer un poco de vida.

Fátima: Sí, porque una cosa que nos suele pasar a todas las personas psiquiatrizadas es que cuando nos ponemos a hablar de los diagnósticos, mínimo tenemos tres. Tres, cuatro, cinco… Todas tenemos un montón de diagnósticos, que yo creo que es una cosa más que va en contra de eso que dicen sobre algo en nuestro cerebro que falla. Por eso en el movimiento loco siempre se utiliza la frase, “No es un desequilibrio bioquímico, es un desequilibrio de poder”. Incluso la propia ONU (Organización de Naciones Unidas) dice que se deberían tener más en cuenta los desequilibrios de poder, como las condiciones materiales, la pobreza y un millón de cosas, antes que algo en el cerebro que no se ha demostrado que existe. Los psiquiatras dicen que tienes tres diagnósticos que se contradicen entre sí, pero resulta que lo tienes todo en tu cerebro; luego tienen palabras maravillosas como “comorbilidad”, “patología dual”… todo tipo de cosas que enlazan unos trastornos con otros. Pero no existen pruebas orgánicas que lo demuestren. Yo creo que al final el mayor desequilibrio con el que nos encontramos es esa invisibilización de poder plantearnos el sufrimiento y la locura de otra forma.

Nico: El romper la máquina.

 

            4. ¿Qué es la psiquiatrización?: “Un tacón dentro y un tacón fuera”


Eli: Bueno, a continuación yo os quería lanzar la pregunta, ¿Qué es la psiquiatrización?

Fátima: Yo creo que la psiquiatrización es todo el proceso en el que empiezan a determinar que estás enfermo por un sufrimiento psíquico, o por una locura, o porque quieren eliminar una conducta que puede ser la escucha de voces, o puede ser cualquier experiencia psíquica inusual. Normalmente la psiquiatrización empieza cuando vas a la consulta de un psiquiatra, pero también muchas veces empieza en atención primaria cuando, por ejemplo, te dan benzodiacepinas porque estás muy agotada con las dobles jornadas de trabajo, o de cuidado, o de crianza, o te dan antidepresivos que muchas veces, sobre todo en el estado español se dan en atención primaria. Luego, hay más pasos en la psiquiatrización. Muchas veces el primer ingreso puede comenzar porque hayas ido al psiquiatra y acabes teniendo que ingresar, o porque tienes un sufrimiento extremo, o porque tienes un intento autolítico y acabas en la planta de psiquiatría, o cualquier crisis. Entonces, una vez que entras en la planta de psiquiatría, aunque a veces intentes entrar de forma voluntaria – Todos sabemos que el ingreso voluntario no existe, es como los Reyes Magos, no existe –, tu ingreso se convierte en involuntario. Y los ingresos involuntarios en la sanidad pública en España duran unos 15 días más o menos, en la privada duran más, pueden durar hasta dos meses. Hay gente que lleva ingresada en centros de larga estancia 30 años, o sea, desde la reforma psiquiátrica. Hay gente que está en centros de rehabilitación psicosocial, centros de día… o sea, su día a día es estar en recursos de salud mental. Y luego estamos la gente que hemos conseguido sobrevivir a la psiquiatría, pero no del todo. Yo siempre pienso que todavía tengo un pie dentro porque es muy difícil de salir. No, no sé cómo lo verá…

Marikarmen: Yo, en concreto, sí, lo veo un poco así. Yo sé que tengo un pie dentro, siempre, y un pie fuera, siempre, por el tema los tres diagnósticos y de los tres ingresos involuntarios. Para mí fueron involuntarios los tres, aunque yo veía escrito “ingresos voluntarios”. O eso que llaman esos “ingresos voluntarios”. Entre muchísimas comillas porque el ingreso se convierte en involuntario en el momento en el que entras. Voluntario sería que pudieses saber cuándo entras y cuando sales, decidirlo. Y no lo puedes decidir nunca; puedes decidir entrar, pero no puedes decidir salir. Entonces, yo tengo siempre un pie dentro y un pie fuera y lo veo en cosas muy cotidianas. Por ejemplo, yo no puedo pegarle una patada a un contenedor si me enfado, porque a mí me llevan a psiquiatría, porque yo tengo tres diagnósticos. En cambio, a cualquier otra persona le pondrían una multa…

Fátima: Contra el mobiliario urbano, bla, bla, bla. 

Marikarmen: Etc., etc., etc. Yo lo veo en algo súper cotidiano. Cuando me hablan, han visto mi ficha médica cuando voy al hospital, entonces ponen en duda ciertas cosas porque tengo un diagnóstico. Yo lo veo muy cotidianamente. También cómo se vértebra esto, y en base a qué se vértebra esto, es muy importante. No es simplemente meter a la gente dentro de un psiquiátrico para curarla, no. Es para que sean productivas. Y eso tiene que quedar súper claro. Por eso hablamos de contextos sociales y no de algo biológico. Esta gente lo que quiere es que tú salgas de allí pudiendo trabajar, ingresar al estado, pagar tus cuotas, pagar tú IVA… esa es la lógica.

Fátima: Claro. La definición de salud mental de la Organización Mundial de la Salud lo que dice es que estás sane mentalmente cuando puedes producir y cuando tienes un trabajo.

Marikarmen: Y cuando te integras en la vida social.

Fátima: Claro. Y cuando ya no te integras lo único que te queda es tomar un montón de medicación, beneficiar a la industria farmacéutica y ser cliente, o usuario como ahora lo llaman, de estos recursos de salud mental, ¿no?

Nico: Sí. A mí también me gustaría añadir a lo que has dicho tú, Marikarmen, que se trata también de saber que yo, por ejemplo, cuando estoy peor, es mejor no ir al psiquiatra esa semana porque tienes un pie dentro y un pie fuera.

Marikarmen: Sí, existe la posibilidad de que de ahí no salgas ya.

Fátima: Un tacón dentro y un tacón afuera.

Nico: Exactamente, es que al final es todo eso. Al final es cómo te relacionas y cómo se relaciona la gente contigo, cómo se dirigen a ti al tener diagnósticos. Y el miedo siempre de saber que no quiero ingresar, pero puedo ingresar. Y tengo más posibilidades de ingresar que una persona que no tiene diagnósticos.

Fátima: Claro, y es lo que hablábamos también antes entorno a la identidad. Lo convierten en la patologización de cualquier conducta o emoción que tengas. Si estás muy enfadada, es que estás para ingresar, si estás muy contenta, “¡Uy! Qué te estás subiendo”.

Nico: “Estás eufórica”.

Fátima: “Te estás subiendo”. Y te dices, “¿A dónde me subo?”

Marikarmen: “Adrenalina”, “euforia”, siempre lo biológico.

Fátima: Tu tristeza, es que tienes depresión y que puede ser que cometas suicidio, ¿no? Entonces, por una parte, la psiquiatrización es patologizar la consecuencia de las condiciones materiales de la vida y del capitalismo. Pero, por otro lado, también es la patologización de cualquier cuestión de la vida, de las emociones o de cualquier cosa, ¿no?

Marikarmen: Sentimientos, es patologizar los sentimientos.

 

Continuará…

 

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Créditos del podcast

“Desequilibrio cuir”, marzo de 2023

Participantes: Elisa Marquina, Fátima Masoud, Marikarmen Free y Nico Hernández

Sonido: Nuria Martínez

Música: Sthela y Microclimax, “Engulle”, 2019 

Diseño de cartel: Ángela Haller

Producción y distribución del podcast: Despatologización de lo cuir (Madrid) y Nebunchalá (Barcelona)

Grabado en el estudio Robin Groove en Madrid el 21 de febrero de 2023

Crédito de este texto editado a partir de la transcripción del podcast

Edición del castellano original: Castillo

Traducción al francés: Rio Da Silva 

Fotografía: Tatuaje realizado por Aureliano en el brazo de Nico en 2023.

Crédito del proyecto de investigación y financiación

El proyecto de podcast fue acompañado y financiado como una interpretación de una asamblea celebrada en Azala, Lasierra, País Vasco en julio de 2022. La asamblea es parte de una investigación artística experimental y colaborativa que elabora procesos para llevar a cabo proyectos de arte y salud comunitaria transmaribibollo que no son asimilacionistas sino cooperativos con activismos radicales.

Los colectivos Despatologizar lo cuir, colectivo nacido de los encuentros “Despsiquiatrización lo queer”, y el colectivo Nebunchalá ejecutan de forma autónoma el proyecto y son acompañados entre diciembre de 2022 y abril de 2023 por Castillo y Fátima Masoud en la forma de un comité de apoyo formado durante la asamblea de Lasierra.

El proyecto de investigación y esta colaboración con Despatologizar lo cuir y Nebunchalá cuentan con el apoyo del FRArt: Fonds de la Recherche en Art de Bélgica y el respaldo de erg: école de recherche graphique en Bruselas.

 


 

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