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08.09.2022

Ce n'est pas la faute du vent

Essai   •   More of Us

Pour la dernière contribution du collectif More Of Us, Carolina Campuzano propose une réflexion sur la souveraineté énergétique à partir de la catastrophe environnementale et sociale engendrée par l'ouraga Maria à Porto Rico. "Ce n'est pas la faute du vent" met en avant la responsabilité humaine de ces catastrophes dites, souvent à tort, "naturelles", et alarme sur la nécessité d'une prise de conscience collective et d'un changement de nos modes actuels de production (Camille Ramanana Rahary pour Triangle-Astérides).

                      

                         Ce n'est pas la faute du vent


Le vent souffle, puis il rugit, puis les palmiers commencent à se pencher, les nuages se déplacent en désordre et dans le ciel n'apparaissent pas seulement des oiseaux, mais aussi des toits et des morceaux de ce qui fait notre vie sur terre. Ce n'est plus seulement du vent, c'est un ouragan, un ouragan qui porte le nom d'une femme : Maria. 

C'était en 2017 et Porto Rico, un commonwealth autonome en association avec les États-Unis, était sur le point de vivre une catastrophe aux dimensions incalculables ; car la chronique de cette catastrophe ne s'arrête pas seulement aux près de 3 000 morts causés par cet ouragan, selon le gouvernement ; ou aux plus de 4 600 cadavres rapportés par l'Université de Harvard. Les conséquences de Maria ont été sous-estimées ; non seulement, car il y a eu des victimes dues au vent, mais aussi parce que l'insécurité alimentaire et électrique a été mise en évidence.

Les pénuries alimentaires et les pannes d'électricité qui ont duré six mois sont d'autres conséquences de cet événement qui a touché la totalité de Porto Rico : la nourriture n'était plus acheminée et il n'y avait aucun moyen de faire fonctionner les respirateurs. Maria a permis à tout un chacun de constater la fragilité de l'île. Mais ici personne ne peut blâmer les phénomènes naturels, car comme l'affirment plusieurs experts : "les catastrophes ne sont pas naturelles, elles sont la responsabilité des êtres humains". Il est nécessaire d'évaluer la façon dont l'être humain influence ces événements pour arriver à une telle dévastation.

Pour la Portoricaine Larissa González Nieves, titulaire d'un master en développement, ce qu'il s'est passé dans son pays entretient une relation profonde avec toutes les années de colonialisme que l'île a vécu. Dans des situations comme celle-ci, il a été démontré que le pays dépendait totalement des États-Unis. Par conséquent cet événement, ainsi que l'ouragan Irma, ont activé la prise de conscience de nombreux habitant·es du territoire quant à l'importance de la récupération de la souveraineté. Bien qu'elle se soit renforcée en 2017, et a a atteint davantage de secteurs de la société après ces événements, à partir desquels ils ont commencé à penser à la façon de mener à bien un processus de décolonisation.

Ainsi, grâce aux luttes des organisations populaires, Porto Rico est devenue une référence, particulièrement en Amérique latine, en matière de recherche pour la souveraineté énergétique, entendue comme la possibilité pour les communautés de décider de manière autonome de la production, de la distribution et de la consommation d'énergie. Elle l'a également été à l'égard de la souveraineté alimentaire, liée au droit des territoires de définir et de réguler leurs systèmes alimentaires, ce qui a trait à la production et à la consommation, en fonction des besoins de la population.

D'ici 2021, selon le rapport The State of Food Security and Nutrition in the World 2022, de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), entre 702 et 828 millions de personnes souffriront de la faim dans le monde. Or, le problème est non seulement de combler ce déficit, mais aussi de le faire sans causer de nouveaux dommages à la planète, le système agroalimentaire industriel étant actuellement responsable de l'émission de plus de 50 % de l'ensemble des gaz à effet de serre. Ainsi, la production extensive de céréales et de bétail, le transport de ces produits d'un point à un autre et la production de pesticides témoignent de la nécessité de transformer le modèle actuel.

D'autre part, nous ne pouvons sous-estimer l'importance de la recherche pour une souveraineté énergétique, qui ne dépendrait pas des combustibles fossiles, faisant partie des principales causes de l'effondrement climatique auquel la planète est confrontée. Cependant, elle ne vise pas seulement à repenser les formes de production, mais elle cherche à reconfigurer l'échelle, la propriété, l'utilisation et la gestion de l'énergie, afin qu'elle devienne un un véritable bien commun.

Enfin, même si de nombreux territoires ne présentent pas les caractéristiques de Porto Rico, la lutte pour ces souverainetés ne consiste pas seulement à atténuer les catastrophes après un ouragan, un tremblement de terre ou une inondation, mais aussi à comprendre la vulnérabilité à laquelle nous sommes tou·tes exposé·es en raison de la crise climatique, les événements extrêmes devenant plus intenses et pouvant déclencher des catastrophes qui à l'origine d'altérations dans les environnements construits par l'homme, mais également dans les environnements naturels, affectant alors les activités de subsistance et creuse les inégalités, car ces conséquences peuvent être encore plus graves pour les personnes se trouvant dans des conditions sociales difficiles en raison d'inégalités de revenus ou structurelles.


Carolina Campuzano est diplômée d'un Master en Humanités. Elle est journaliste et travaille en tant que communicante pour la fondation Casa Tres Patios. Elle est également professeure à l'université Pontificia Bolivariana au sein du département de communication et d'éducation. Elle aime déambuler dans les villes, apprendre le nom des arbres et par dessus tout, écouter les histoires du quotidien. Elle collecte les poèmes et les feuilles. 

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