Commun.e - Dorothée Munyaneza & Buhlebezwe Siwani
Dorothee Munyaneza & Buhlebezwe Siwani - Guherekeza
ma chère amie Hlengiwe Lushaba Madlala m’a dit une fois « ce qu’on fait n’est pas une performance c’est une cérémonie »
je triche, une performance n’est pas vraiment une performance ; c’est une communion
je réfléchis à la terre et aux fleurs
je me suis dit qu’il faudrait préparer un diner et demander aux gens de s’asseoir
ou bien commencer une première partie avec de la nourriture
les fleurs et les fruits viennent tous de la terre, à laquelle nous retournons, que ce soit par la violence de la guerre, le génocide, l’avarice, la corruption ou les circonstances naturelles
je pense à l’abondance sans arrêt
à quel point nous sommes abondantes, à quel point nous sommes vivantes. nous sommes encore ici
Faire diner les gens alors qu’on récite des histoires d’abondance, de faim, et pendant qu’ils les mangent, les couleurs provoquent
quelque chose
la nappe serait la terre puis nous aurions des fleurs
on invite les gens à s’asseoir et à manger pendant notre va-et-vient de contes, de paroles, de sons qui résonnent d’une certaine manière
oui oui oui oui oui oui
absolument
raconter des histoires pendant que les gens mangent des choses qui ne sont peut-être plus comestibles
je réfléchis aux couleurs
rouge
or
comme sur les drapeaux de quasiment tous les pays africains
on pourrait utiliser des fleurs spécifiques
les compositions florales sur les tables présidentielles
pense aux fleurs et à la nourriture comme ça
la terre
une grande table
combien de gens peut-on asseoir à table en gardant une distanciation sociale
avec quel genre de nourriture peut-on servir les couverts faut-il que ça soit bling-bling
et un genre de dessert
la nourriture devrait être
soit
très très européenne
ou
super africaine
et peut-être des fleurs africaines
je ne sais pas à quoi tu penses
j’ai dans la tête deux textes
l’hymne national
ce n’est plus ce que c’était ça a été coupé pour inclure la langue afrikaans et l’anglais et c’est un problème en soi car ça parle du fait que les colons sont inhérents à notre culture
qu’est-ce que tu penses qu’il faudrait aussi porter
j’ai commencé à regarder des images de nourriture de notre continent et de la diaspora africaine ces images et ces gestes du partage des repas
on n’a pas le temps de cuisiner donc on va sans doute devoir l’acheter
il y a des restaurants où l’on peut commander de la nourriture africaine
à noailles
mais ça peut être compliqué s’ils ne savent pas comment utiliser leurs doigts pour manger la nourriture
on peut mettre des couverts
manger avec les mains
je pense que la terre est une bonne idée et les fleurs
je sais que certaines fleurs africaines sont vraiment chères l’autre jour je suis allée chez un fleuriste et trouvé des fleurs de mon enfance et elles étaient vraiment chères donc je ne sais pas s’ils ont le budget pour ça si on demande beaucoup de fleurs
pour la table on peut trouver une table suffisamment grande et faire asseoir dix personnes autour d’elle
le reste a juste à regarder les gens qui seraient en train de manger, qui voudraient manger ou qui ne pourraient pas manger
en utilisant leurs mains
j’étais en train de regarder la façon dont les femmes
utilisaient leurs mains
on peut incorporer
les mains
un mouvement qu’on fait ensemble pendant qu’on raconte l’histoire
du temps pour cuisiner des petites choses qu’on mange ensemble
rien de trop grand
igname pilée avec de l’egusi
en gros enlève les couverts ou met les couverts à côté des fleurs
à l’intérieur de la terre pour que personne ne puisse les toucher
senteur
odeur
pense au budget pour le costume
les fleurs sont aussi représentatives
des fleurs qui parlent de bonheur et qui suscitent la joie aussi
pense à une fleur colorée en particulier
les couleurs sont très significatives et importantes
quand il est question de joie
quand il est question de deuil
on peut obtenir les fleurs nous-mêmes
allons dormir
les couverts dans la terre
nourriture qui se mange avec les mains
fleurs par nous-mêmes
pour ce qui est des costumes j’ai des choses à la maison que j’ai utilisées pour d’autres performances et que je pourrais ramener demain pour que tu voies si ça t’inspire un peu
passe une merveilleuse soirée
dors bien
Buhlebezwe Siwani a grandi à Johannesburg, mais en raison de la nature nomade de son éducation, elle a également vécu au Cap-Oriental et au KwaZulu Natal. Siwani travaille principalement par le biais de performances et d’installations. Elle utilise les vidéos et les photos comme substitut de son corps, qui est physiquement absent de l’espace. Siwani a obtenu son BAFA à la Wits School of Arts de Johannesburg en 2011 et son MFA à la Michealis School of Fine Arts (Cape Town) en 2015. Elle vit et travaille aujourd’hui entre Amsterdam et Cape Town.
Dorothée Munyaneza est une artiste pluridisciplinaire rwandaise et britannique basée à Marseille. Dorothée Munyaneza part du réel pour saisir la mémoire et le corps, avec la musique, le chant, la danse, le texte. En 2006, Dorothée Munyaneza rencontre François Verret pour Sans Retour. Dorothée Munyaneza a travaillé avec des artistes comme Alain Mahé, Ko Murobushi, Stéphanie Coudert, Rachid Ouramdane, Maya Mihindou, Alain Buffard, Radouan Mriziga et Ben Lamar Gay. En 2013 Dorothée Munyaneza fonde sa compagnie artistique, Compagnie Kadidi. Dorothée Munyaneza est Artiste Associée au Théâtre de la Ville Paris et Théâtre de Chaillot.
Costumes : Stéphanie Coudert
Traduction anglais - français : Zahra Tavassoli Zea
Vidéos © Margaux Vendassi
Sous-titres - Mohammed Aitallah
Photographies © Grégoire d’Ablon
© Architectes Rudy Ricciotti et Roland Carta / Mucem